La vraie reprise – M+13

pieds-nus13 mois après la naissance de Nina, la reprise est enfin là. Il aura fallu toute une série de changements, dont la principale est la modification de mon statut professionnel à venir en septembre (de salariée à indépendante). Le but de ce changement, outre celui de remettre en jeu la routine dans laquelle je finis toujours par m’installer, est de diversifier mes activités d’écriture et me dégager plus de temps en semaine avec notre fille : ainsi, plus remplie d’elle et de sa présence, je saurai m’éclipser le soir et le week-end pour courir mon petit bonhomme de chemin. J’aurai également davantage de liberté d’organisation : à moi les sorties matinales une fois la petite déposée chez sa nounou, avant d’attaquer ma journée de travail.

La maternité a transformé ma pratique de la course à pied. Sans revenir à zéro ni passer par les affres des débuts, je reviens tout de même à un point de départ. J’ai une envie de remise en question de ma pratique antérieure, pratique qui m’a conduit à un syndrome rotulien chronique à force de taper du talon en courant comme une dératée. J’ai aussi une envie de légèreté, de sentir le monde sous mes pieds et d’être dans une simple écoute de mes sensations. Sans penser à ma VMA, à mon allure, à mes BPM. La pratique de l’allaitement maternel m’a amenée à me connecter davantage avec ce qui se passe à la fois dans ma tête et dans mon corps : je m’écoute, je m’adapte, j’écoute aussi davantage les autres. Ça peut paraître un peu mystique, dit comme cela, mais je fais vraiment un lien entre les deux : après avoir tant respecté mon corps au cours de ma grossesse et de l’allaitement, je n’ai pas envie de poser ma cervelle et de me faire du mal. Je ne dis pas que c’est l’unique façon de faire : comme il y a mille et une façon d’accompagner son enfant sur le chemin de la vie, il y a mille et une façon de courir. Le plus important est que chacun trouve sa façon de procéder en fonction de ses désirs, de ses ressentis, du moment où il se trouve dans son histoire personnelle.

Il y a un mois, j’ai donc commencé à courir un peu pieds nus. Dans cette façon de courir, j’ai autour de moi plusieurs personnes qui me précèdent et m’inspirent, le premier d’entre eux étant Christian Harberts, fondateur de la section française de la Barefoot Runner’s Society, membre de la Runnosphère et qui parcourt entre 50 et 100 kilomètres par semaine, avec plusieurs marathons pieds nus à son actif. Je l’ai connu à ses débuts dans cette pratique, alors qu’il se préparait pour son premier 10 kilomètres pieds nus (un an de préparation et de progressivité pour parvenir à cet objectif). Il est bon d’avoir dans son entourage des exemples de personnes sages, respectueuses d’elles-même et des autres, qui partagent avec passion leur pratique sans se mettre sur un piédestal ni dans un mode de pensée unique. Car en la matière, comme en matière d’allaitement [oui, je vais faire souvent ce parallèle ^^] on trouve dans ce domaine des énergumènes qui estiment qu’une seule voie compte : la leur. Point de salut dans la mixité ni dans la diversité des expériences, ils lèvent les étendards au moindre écart ne correspondant pas à leurs certitudes.

Bon, je n’ai pas repris les manettes du blog pour parler éthique de la course à pied, passons au concret, au dur de dur, au caillouteux qui gratte. Il y a un mois, dépourvue de toute montre GPS car prêtées l’une à ma sœur et l’autre à une amie [Céciiiiile! je veux bien récupérer ma Garmin tout de même! ^^] mais munie de mon téléphone et de l’appli de mes débuts Runkeeper, je suis partie sur l’avenue de Paris qui passe devant chez moi. C’était un soir, vers 21 heures, après un coucher difficile de Nina (elle commençait une mononucléose du nourrisson, pauvrette, nous ne le savions pas encore mais la semaine qui allait suivre serait dantesque). 4 kilomètres de liberté, dont 500 mètres pieds nus, sur le revêtement folklorique et varié de l’avenue (stabilisé, bitume, sable, gros cailloux, petits cailloux, le tout jonché par endroits de bâtons de bois et de bris de verre : le Koh Lanta du barefoot). La progressivité est la clé de la progression sans blessure, dans la course pieds nus. Je dois dire que je respecte un peu trop à la lettre cette prescription, n’ayant pas encore trouvé de régularité suffisante dans mes sorties. En un mois, je parviens à courir ainsi 1 kilomètre, ensuite je ressens une faiblesse dans mon pied gauche et je me remets à marcher. Chez moi, c’est la gauche qui déconne : le pied gauche, le genou gauche, et même le sein gauche dans l’allaitement, qui a cumulé REF, mastite et canal bouché. D’où l’importance d’être à l’écoute, pour s’adapter en conséquence, ce que je ne faisais pas chaussée : je mettais une genouillère et hop, vogue la galère. Maintenant je m’arrête et je marche : ô sagesse ! 🙂

Huaraches DIY
Huaraches DIY

Je voulais trouver une manière de protéger mes pieds de newbie dans les endroits aux revêtements les plus critiques. Des souliers légers et facilement transportables à la main quand je serais pieds nus. Il existe bien un modèle spécifique à la course à pied, les Fivefingers, mais l’hallux valgus dont je suis royalement pourvue au pied gauche rend le port de ces chaussons à orteils très désagréable. Il existe également toute une foule de chaussures de course dites « minimalistes » car plates ou presque, mais je n’ai pas pour le moment envie d’investir 100 euros dans un tel matériel. Je pensais plutôt à ces demi-pointes en coton qui sont utilisées en danse classique. Mais je crois qu’elles occasionneraient frottements et ampoules, n’étant pas conçues pour courir. Là encore c’est Christian qui m’a mise sur la voie, avec des chaussures qu’il a fabriquées lui-même sur le modèle des sandales huaraches des indiens Tarahumara : on trouve des kits à commander sur des sites spécialisés pour s’en confectionner. Évidemment, j’adore ce principe DIY (Do It Yourself) qui renoue avec mes anciennes amours anti-consommation de masse, free parties et autres modes de vie alternatifs. Sauf que je ne suis pas douée de mes 10 doigts. Je vais donc suivre le pas à pas [HAHA!] proposé par Christian sur son blog, vidéos à l’appui (je vais aussi m’appuyer sur les compétences manuelles de Noostromo, mais ceci ne vous regarde pas! ^^)

Courir pieds nus en ville, c’est aussi se retrouver confrontée au regard des passants. Comme avec l’allaitement [Eh ouiii, encore !], c’est exposer une partie de son corps qui n’est pas culturellement admise à être totalement découverte dans l’espace public. C’est une pratique qui n’est pas encore rentrée dans les mœurs, bien qu’elle soit paradoxalement taxée de « mode » (au sens négatif du terme). Je suis contente de voir que je reçois plutôt des encouragements et des remarques positives (étonnées, mais positives) : « -Ça ne vous fait pas mal ? -Non, c’est très agréable en été! » (j’ai jusqu’à l’automne pour me trouver un autre refrain) « Ça me fait penser au bled, on marche comme ça au bled, profitez-en! » Pour le moment, courir pieds nus me permet plutôt de me rapprocher de mes semblables, de ces inconnus qui vivent et travaillent dans la même ville que moi. Effet collatéral inattendu, mais très agréable !

Je vais garder en tête le maître-mot : progressivité. Comme Christian me l’a conseillé, « N’oublie pas de te reposer entre les séances, et commence avec juste quelques minutes par sortie, au début.  Marcher pieds nus chez toi ou dans la nature, c’est bénéfique à deux titres : d’abord, cela renforce les muscles de tes pieds, essentiel pour avoir une base saine, et puis la pratique va renforcer la peau sous tes pieds,  là aussi essentiel pour pouvoir affronter tous les revêtements. Courir pieds nus demande beaucoup de patience et une pratique quasi-quotidienne. » Cette dernière phrase me paraissait aller à l’encontre des conseils de mon ancien et vénéré « coach », le podologue David Leurion grâce à qui j’ai parcouru ma plus grande distance dans ma vie antérieure (oui, 20 kilomètres, on ne rigole pas! ^^) : je devais pour ne pas me blesser laisser passer 48 heures entre deux sorties. Puis j’ai compris que je devais courir tous les deux jours maximum, mais marcher pieds nus tous les jours. En été, facile ! On verra bien quelle tournure prendra tout ça, et j’ai quand même un petit rêve au bout de cette aventure : participer à l’une des courses (15 km ou 8 km) dans le parc du Château de Versailles en juin prochain.

Billet non sponsorisé, tous les liens sont des copains, du Wikipedia, du National Geographic ou des personnes de confiance.
Rhooo ça va, on a le droit de se moquer ! 😀

19 réflexions au sujet de « La vraie reprise – M+13 »

    1. Merci Sylvie! J’espère un jour pouvoir vous accompagner, Sandra et toi, pour un tour du grand canal… mais pour l’instant je ne tiens pas assez longtemps la route ! 🙂

  1. content de te revoir/lire.
    Mais par contre tu vas finir par avoir des ennuis de voisinage… J’imagine déjà les pauvres mamies versaillaises  » oh regarde, voilà la folle qui montrait ses seins. Maintenant elle montre ses pieds ! » 🙂

  2. Je dis une bêtise si je te propose de courir en chaussettes au moins pour éviter les petits cailloux et diverses asperitées du sol ??? La prochaine fois que je cours sur l’avenue, je regarderai bien les pieds des coureuses 😀 Je cours souvent sur l’avenue de Paris !

    1. Salut Running Mob et bienvenue ici !
      Pour la chaussette euhh… on en reparle quand il fera moins chaud, rien que l’idée et je prends 3 degrés de plus sur les 31 qui nous accablent cet après-midi ! ^^
      Avec plaisir pour une discussion si on se croise, on pourra même organiser une petite sortie si tu veux ! (entre tortues ^^)

  3. ça fait plaisir de te lire! Te voila lancée dans une nouvelle aventure. Et tu as la chance avec Chrisitian le meilleur spécialiste en la matière!
    Pourquoi tu cours? Pour « sentir le monde sous mes pieds et être dans une simple écoute de mes sensations » 😉
    Tout est dit.
    Et oui, il y a mille et une façon de courir..Moi aussi, je crois que j’ai trouvé la mienne 🙂
    A très vite pour la suite…

    1. Hello Vinvin ! Oui c’est un peu lyrique mon affaire, mais comme j’adore marcher pieds nus c’est un prolongement qui me fait plaisir, je suis ravie de l’expérimenter, d’autant que dans ma ville il existe plusieurs endroits tout à fait praticables. To be continued… 🙂

  4. Excellent !

    Un article sur le Barefoot qui n’est pas maquillé pour parler de chaussures minimalistes, qui ne cite pas de marques, qui ne parle pas d’entraînement mais de pratique personnelle, qui fait un parallèle entre allaitement maternel et course à pieds, je n’ai qu’un mot à dire : « Blavissimauw ! » 🙂

    Je pense que la démarche de courir pieds nus, vraiment pieds nus (même si de temps en temps on est amené à porter des sandales huaraches), doit s’accompagner d’un changement de rapport à son corps mais aussi à celui des autres, d’une réflexion sur la compétition et la performance individuelle, et d’une remise en question du temps. Car aucun apprentissage digne de ce nom ne porte ses fruits à court terme.

    J’ai hâte de lire la suite de tes aventures 🙂

  5. Bienvenue, Karui Ashi,

    Disons que j’ai été à bonne école puisque j’ai autrefois réalisé une enquête ethnographique auprès de graffiteurs anti-publicitaires du métro parisien : je sais grâce à eux ce qu’implique de citer des marques. Il m’arrive encore d’en citer, il y en a même beaucoup (trop) tout au long de ce blog, mais finalement il s’agit d’un blog-journal de bord, qui tient compte de mon cheminement. Je fais désormais plus attention (il y en a pourtant dans ce billet !)

    Comme le disait un « troll » qui est venu commenter ici mais que je n’ai pas publié car trop volontairement injurieux, je fais ma maline avec mes pieds nus mais je cours avec une montre GPS ou un téléphone avec GPS.
    Certes. J’ai la petite faiblesse d’aimer les cartes, les collectes de données, les traces de parcours. Et quand bien même : ce qui compte ici, une fois encore, c’est le cheminement que j’entreprends, que j’ai entrepris dès le jour où je me suis mise en mouvement pour courir régulièrement. Le fait de courir pied nus n’est qu’une prolongation de cet élan, même si ma pratique possède des contradictions…

    Je suis d’accord avec toi sur le rapport au temps. En courant sans chaussures, je ne me sens plus protégée. Je fais donc davantage attention à ma foulée et à mon ancrage au sol (foutue loi de l’attraction terrestre ! ^^) et paradoxalement je me sens plus libre. Je me fiche de ma vitesse, de mon allure au kilomètre (pour l’instant !), éléments sur lesquels j’étais assez rivée auparavant. Par contre je fais gaffe à ne pas « trop » courir d’un coup, à bien récupérer, à marcher dès que je sens une faiblesse. Avec des chaussures, je m’écoutais moins. Je ne dis pas que ce n’est pas possible de s’écouter chaussé, simplement ce n’est pas comme cela que je fonctionnais. Je vais donc faire mon petit bonhomme de chemin, je viendrai peut-être en parler ici. (Je dis « peut-être » car si un troll se lève à chaque billet, ça va finir par m’enquiquiner.) Et je ne repousse pas l’idée de recourir un jour avec des chaussures, simplement j’ai besoin de faire ce chemin avant.

    Voilà un bien long commentaire.
    A bientôt !

    1. Merci pour cette longue réponse argumentée 🙂

      Maintenant que te voilà les deux pieds dans le barefoot, tu pourrais peut-être t’inscrire sur le forum de BRS et discuter de tout ça avec d’autres 🙂

      Y’a pas d’obligations non plus 😉

      Nous ne sommes pas beaucoup sur BRS à avoir une approche, disons, plus « naturelle », anti-pub, « décroissante »(je ne suis pas fou de ce mot ni de l’idéologie qu’il y a derrière, mais c’est ce que j’ai trouvé de plus juste), « Fais-le-toi-même », »prend-ton-temps », « amuse-toi », avec une réflexion sociologique en plus.

      Donc ta participation serait bienvenue 🙂

      1. Merci, je vais y songer. J’avoue que je n’ai jamais été grande amatrice des forums, qui m’apparaissent énergivores et chronophages… je n’ai vraiment pas l’habitude. Mais peut-être que celui-ci finira par me donner envie !
        J’ai lu ton dernier article sur cette plateforme et je me retrouve dans la tournure que prend ta réflexion, sur la transmission et le partage.

  6. Je trouve très sympa ton parallèle entre course et allaitement. Il y a les pro allaitement et les pro biberon, les fan de chaussures qui coûtent une blinde et les adeptes du barefoot. Et celles qui font du mixte, un petit bib de temps en temps et mélange de course avec et sans chaussures 😉

  7. Je viens pour la première fois sur un blog qui ne parle presque que de course à pieds. J’ai enfin oser à franchir le pas après de longs moment de doute …
    J’ai moi-même deux enfants (2 ans et 7 ans) et je cours depuis que mon dernier a eu 3 mois (après un arrêt de 2 ans). Mais j’ai tout de même une question qui me tient à coeur. J’ai de gros problème pour progresser et ça me décourage de temps, parfois, je perds pieds avec cela. Est-ce-que quelqu’une pourrait m’aider ? Ce serait génial 🙂

    1. Bonjour ! Je ne suis pas dans une phase de « progrès » en ce moment, plutôt de maintien du plaisir de courir et de découverte de nouvelles sensations de course. Je crois qu’il existe deux éléments forts pour garder la motivation : le collectif et la variation. Le collectif, ça peut être s’inscrire à des courses pour vibrer au départ et à l’arrivée, ça peut être aussi courir avec des amis ou dans un club. La variation, c’est la diversité des séances (footing lent, séance de seuil, travail de la vitesse) ou des terrains (en ville, en forêt…) Enjoy, et continue de donner des nouvelles !

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