Voilà déjà deux semaines que je suis sur mon petit nuage. Parfois j’oublie car je suis plongée dans le travail ou dans un bouquin, et puis la bague aux perles bleues trouvée dans la cour de l’école me remet les sourires en tête. Et je reste béate un souvenir aux lèvres en songeant à l’avenir.
Depuis deux semaines aussi, j’ai mal. La chute au cours de ce trail de Sully s’est avérée plus conséquente que prévue. Deux jours plus tard, je me traînais dans une sortie de récup’ avec Shuseth et Noostromo en me tenant les côtes. Ce n’était pas directement les os, mais plus en profondeur, dans la cage thoracique. Je sentais bien que ce n’était pas non plus les poumons, ni aucun organe du côté droit et je me disais « ça va passer ». Le jeudi suivant, ça allait déjà un peu mieux, je repars avec Nicolas pour une sortie autour du Grand Canal. On commence ensemble quelques kilomètres et on finit chacun à son rythme, lui vers 4’40 au kilomètre et moi vers 5’50. Ça tire encore un peu, il faut juste que je ne tousse pas ni que je n’éternue (…sinon Aïïïïe !) Je ne peux pas non plus me lever toute seule du lit ou du canapé, dès que je dois faire fonctionner mes muscles de la poitrine c’est douloureux. Et malgré tout cela, je décide qu’on ira tester comme prévu le matériel de randonnée dans la Vallée de Chevreuse !
Un p’tit trail en douce, l’air de rien, aux confins de l’Ile-de-France. A l’origine, nous devions partir du côté du Mont Blanc avec les copains de la Runnosphère: Greg, Virginie, David, Christophe. Mais mon emploi du temps professionnel et l’état de ma trésorerie en ont décidé autrement : ce sera un trail « à la maison », avec tâtage de genou jusqu’au dernier moment et inscription la veille.
Le trail de Sully, ainsi nommé à cause de Maximilien de Béthune, duc de Sully et Directeur du FMI Ministre des Finances d’Henri IV dont les terres s’étendaient quelque part dans la forêt de Rosny-sur-Seine, possède trois épreuves : 35 kilomètres/1000 D+, 17km/500 D+, 10 kilomètres/300 D+. Nicolas s’inscrit sur le 35 bornes, moi sur le 10 km, et en route petite troupe. Ce matin-là sur l’autoroute de Normandie, nous ne savons pas encore que cette journée va changer notre vie.
Un dimanche du mois de mai il faisait beau et chaud comme un jour d’été, mon genou semblait se tenir tranquille après une Veillée du Bois sans genouillère et sans douleur rémanente. Avec Nicolas, nous avions envie de manger un peu de dénivelé avant nos trails de l’Oisan du 5 juin (10 et 20 kilomètres, 800 et 1300 D+, une bagatelle !) Nous avons donc décidé de rallier nos deux villes (Issy-Versailles) en passant par la côte des Gardes, celle-là même qui fait toute la renommée de la course Paris-Versailles.
Retour sur la course de dimanche dernier à Strasbourg, deux semaines seulement après les 10 kilomètres de Planet Jogging. Non prévue dans mon programme initial, elle s’était rajoutée au fil des projets communs avec Noostromo.Pour cette 32è édition des Courses de Strasbourg Europe, Nicolas est inscrit sur le semi-marathon, Fabienne (sa maman) et moi sur le 10 kilomètres.
Le 1er mai dernier, alors que certains défilaient pour célébrer les droits du travail, que le couple héritier de la couronne d’Angleterre se remettait de sa nuit de noces, qu’un pape défunt se faisait béatifier et que l’ennemi public numéro 1 était abattu, une partie de la Runnosphère battait le pavé — en courant, vous l’aurez deviné.
Il est des jours sans limite où les heures ordinaires ne suffisent pas à pouvoir saisir tout ce que la vie contient. Trop de nouveautés, d’agitation, trop d’au-revoir et de rencontres à venir. C’est dans ces moments-là que l’insomnie me guette, elle sait que je l’appelle au secours tout en la redoutant. Lorsque je peux partir courir, le temps reprend sa forme et j’évacue pas après pas tout ce qui me submerge. Mes pensées les plus chaotiques se dessinent clairement, le brouillon se met en page dans cet effort du corps et ce contact unique à l’environnement qui m’entoure. Or depuis plus de deux semaines, je ne cours pas, enfermée par la douleur d’une banale blessure. Heureusement, elle s’estompe enfin : dès la semaine prochaine je rechausserai mes pompes de running pour une reprise progressive, et mon sommeil dépassera à nouveau les cinq heures quotidiennes.
Cette semaine j’ai à la fois quitté mes anciens collègues d’Orange Labs et commencé mon nouveau métier de rédactrice. Je n’imaginais pas que ce serait aussi émotionnellement intense. Je m’étais préparée à ce changement de vie, je croyais que la transition serait routinière. Il n’en a pas été ainsi : j’ai de la peine à dire au-revoir, malgré la joie de ce nouveau travail et la pleine conscience de suivre ma propre voie.
J’ai emprunté le titre de ce billet à l’ouvrage du sociologue Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire, en hommage au laboratoire de recherche qui m’a accueilli pendant un an, juste après la soutenance de ma thèse. J’y ai rencontré des personnes extraordinaires, pleines de vitalité (et de théories bizarres 😉 ), j’ai découvert pour la première fois ce qu’était « la vie de bureau » et cette drôle de communauté constituée par des collègues que tu côtoies chaque jour. Et surtout — pour ce qui nous intéresse ici — j’ai pu développer et amplifier ma passion naissante de la course à pied, au cours de nombreuses discussions (hein, avouez, je vous ai grave saoulé à la cantine, au café, jusque dans vos bureaux ! ^^), de supers joggings au parc Suzanne Lenglen et avec la participation « corporate » à La Parisienne.
Mais l’histoire n’est pas finie puisqu’en mars prochain, je participerai avec mon ancienne collègue et néanmoins amie Julie 😉 à la version « Twin santé » de l’Ecotrail de Paris. J’ai hâte de vivre cette nouvelle aventure !
Et l’histoire continue ailleurs, avec cette communauté de la « Runnosphère » que j’ai découvert en lectrice, puis en blogueuse, et désormais « In Real Life » (Bizarre comme expression, non ? Comme si écrire, lire, commenter et raconter des bêtises sur Twitter ne faisait pas partie de la « vraie vie » !) avec les rendez-vous binouze post-compétition et les Pasta Party. Hier nous nous sommes ainsi retrouvés à huit compères (dont deux commères, grande première!), après le retrait des dossards pour la Corrida d’Issy-les-Moulineaux. C’est assez étrange de retrouver physiquement des personnes avec qui l’on a parfois échangé des pages et des pages (tous nos commentaires mis bout à bout, ça doit bien faire à peu près ça ^^) durant des mois. Je me rends compte que je suis quand même d’un premier abord beaucoup plus timide en face à face. Peu à peu au fil des rencontres, les têtes se font familières, et l’on retrouve avec plaisir ces conversations d’initiés sur le meilleur moyen de ne pas se perdre dans un trail, sur le dernier gel énergétique ou les courses à venir (je note pour ma part le trail des Traces du Loup en juin, si bien défendu par David et Christophe !) Nous n’en sommes qu’aux balbutiements, mais j’ai la forte impression que de véritables amitiés sont en train de naître ici, et ça, c’est beau !
Pour finir, je reviens en forme de clin d’oeil à mon ancien bureau d’Orange Labs, avec ce mur des « Pourquoi tu cours ? » en Post-it. Fabriqué et partagé avec Julie, ma binôme d’Ecotrail et colloc’ du B419-420, il est un pendant graphique à cette petite question lancinante, à la manière du mur des 10 kilomètres de Paris Centre.
Me voilà encore bien attrapée. Combien de temps avant de parvenir à comprendre les mécanismes de la blessure (physiologiques comme psychologiques), de pouvoir les surprendre avant qu’ils ne s’installent, de savoir les déjouer. Comment se renforcer dans les limites de ses capacités, comment progresser quand on part de rien mais qu’on a déjà un peu avancé, comment ne pas tomber dans les blessures chroniques ?
Je me pose ces questions la cheville et le pied droits enroulés dans un strapping réalisé par ma médecin du sport, transis par une « aponévrosite du tendon tibial antérieur » (souvenez-vous, ce même tendon qui me criait lors de ma dernière sortie « C’est pas bientôt fini, ce cirque ? » Et que je n’ai pas écouté, parce qu’il fallait bien rentrer au bercail, boucler la boucle, suivre le groupe.
Si j’analyse un instant ce qu’il a pu se produire, j’en conclus que ma nouvelle blessure est le fruit d’une reprise prématurée (par ignorance) et d’un emballement face à un effet de groupe (par bêtise). Bêtise d’autant plus grande qu’à un moment donné, j’étais la brebis en chef de cette fable rabelaisienne. Menant le troupeau à 6’10 au kilomètre sur des chemins boueux et meubles. Quand je suis repassée en arrière, le rythme était pris. Les questions prévenantes des meneurs d’allure (« Ça va, derrière? » ; « On ralentit, si tu veux… ») n’y font à ce moment plus rien: « Oui, oui, ça va! » ; « Tout baigne, je suis juste à 196 bpm! »
Je n’ai pas non plus su résister à la petite musique d’un des compagnons de route: « Là sur la fin, si tu sprintes tu sauras ta FC max. » Première réaction instinctive, intérieure: « Mais il m’énerve celui-là, je fais ce que je veux, je ne sprinterai pas! » Et quand je m’agace en courant, ça ne m’aide pas. A rebours des résultats d’une étude montrant les effets bénéfiques des jurons sur la résistance à la douleur, si je m’agace, j’ai d’autant plus mal. Et si je jure à voix haute, c’est encore pire. Alors qu’ai-je voulu prouver en sprintant dans la descente finale? Sur de la route bien dure, en plus! J’étais trop curieuse de voir jusqu’où je pouvais monter. J’ai vu.
En tout cas c’était un sprint contagieux, car une autre fille du groupe s’est également élancée, me dépassant sans peine. Peut-être l’avais-je attisée tout du long, avec ma frontale-diadème, mon passage en première ligne, et toute l’attention dont j’étais malgré moi l’objet. Vas-y, Mam’zelle, dépasse, moi je tiens 20 mètres à cette vitesse et mon esprit de compétition est décédé quelque part dans un coin de classe de Khâgne sur les rives de la Garonne. Je ne livre bataille qu’à moi-même, comme en ce moment-même où je songe à mes erreurs.
Mais pourquoi ce Nazar Bonzuk, cet oeil turc en illustration ? Tout simplement parce que c’est l’un de mes porte-bonheurs. J’en ai trouvé un sur le sol d’une station service juste avant de passer mon permis (et j’ai eu mon permis). Depuis il trône dans ma cuisine, souvenir d’un moment d’irrationalité pure. Dans ma boîte à gri-gri, j’ai également un bracelet super moche en plastique noir que j’ai porté une semaine avec des résultats éclatants: forfait au Havre, cavalcade irraisonnée, aponévrosite… Le Power-Tonic, ça marche du tonnerre ! Oui, vous avez bien lu. Je ne blaguais pas quand je disais à Fabrice (et dans le plus grand des secrets, à Greg), que j’avais été vaincue par les sirènes du magical marketing, après l’avoir publiquement conspué. Au Havre, justement. Avec Monsieur M. et toute sa rationalité, ébranlé par les tests du vendeur (on a compris: le corps s’adapte, merci M’sieurs Dames!) Un moment grandiose, qu’il aurait fallu ethnographier, avec sa conclusion formidable: « J’y crois pas mais quand même… » Le bracelet en plastique rejoindra la cohorte des souvenirs amusants et objets introuvables, au fond d’un tiroir. En fait, ça ne marche pas car je ne l’ai justement pas « trouvé », comme l’oeil turc. Si on achète, si on introduit du négoce dans ce type de transaction avec les mondes parallèles, ça foire. C’est ce que disait un rebouteux de mon village qui soignait les verrues avec une pomme, et qui est mort avec son secret car ses filles en auraient fait commerce.
En attendant, je crois fermement en mon strapping. Et en mes bonnes résolutions: plus de compétitions jusqu’en février (exit la Corrida d’Issy, de toutes façons je dois arrêter de courir pendant deux semaines) ; une vraie reprise en douceur (quand on n’a plus mal, il faut encore attendre… et quand on recommence, il faut y aller doucement… et encore doucement… et encore doucement…) ; une préparation physique globale pour reprendre la saison 2011 dans de bonnes conditions !
– Pourquoi tu cours ? – Pour comprendre ce que j’ai dans le crâne…
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Une petite annonce pour finir : comme au mois d’octobre, je participe ce premier vendredi du mois de décembre à l’opération « Vases Communicants« . J’inviterai ici Anthony Poiraudeau, de Futiles et Graves, et j’irai courir chez lui. Le mois prochain, j’essayerai de lancer l’annonce un peu plus tôt pour que nous puissions, si l’envie nous prend, étendre cette initiative à la runnosphère.
Cette course au Havre était prévue de longue date, on m’avait même attribué un numéro de dossard tout à fait étonnant: 14 (le Calvados, la rive d’en face.)
Monsieur M. et moi adorons cette ville, et la course des dockers était un bon prétexte pour y retourner une nouvelle fois. Revoir ce front de mer et ses couleurs étranges, l’architecture majestueuse qui donne ses lettres de noblesse au béton, ces docks survivant à tous les assauts des marchés financiers et du temps.
Arrivés la veille, j’avais beau sentir un peu mon mollet droit tiraillant (le gauche est déjà guéri depuis quelques temps, mais le droit s’est réveillé par compensation), j’étais confiante. J’annonçais la couleur à qui voulait l’entendre: « Demain je fais la course des 10 kilomètres des dockers! » Tous y ont eu droit: le réceptionniste de l’hôtel, le marchand d’articles de sport, le restaurateur thaïlandais, les coiffeuses. Je me suis retenue de le dire à la pharmacienne, mais c’était moins une. Je fanfaronnais sur le blog de Fabrice, de RunOnline: « T’inquiète pas pour moi, j’ai un bracelet powertonic autour du poignet (Mouahaha!) » J’avais beau faire la brave, les mots de Fabrice résonnaient gravement dans ma tête: « Clara, si tu ne prends pas le temps de te préparer, tu vas encore de blesser, et te blesser…..pas sérieux ça. » Et je savais qu’il parlait en connaissance de cause, ayant eu à souffrir du même type de blessure.
Le lendemain matin au réveil, je sentais encore un peu mon mollet droit. Pas une douleur, une simple gêne. J’étais prête à y aller quand même, je m’étais tellement passé et repassé le film de la course dans ma tête… C’était sans compter sur le pouvoir de l’esprit (ou l’effet du stress, ou l’ange gardien des coureurs, appelez ça comme vous voudrez 😉 ) qui m’a tout bonnement lancé une dernière sommation du côté des intestins. Je n’ai rien pu faire d’autre que de courir… aux toilettes, ce qui a finalement sauvé mon mollet, qui a pu retourner se coucher. Fulgurant, mais bref, juste suffisant pour que je ne prenne pas le départ, car dès le déjeuner j’enchaînais sans sourciller sur une choucroute (c’est pas très raccord avec la région, mais il y a au Havre une brasserie délicieuse, qui s’appelle Paillette et qui fait des choucroutes sensass’).
Monsieur M. et moi avons donc profité de notre week-end, un p’tit tour sur la plage, une visite au musée Malraux (qui comporte d’extraordinaires collections impressionnistes, j’ai passé deux heures à m’approcher des tableaux « Oh! Des petits traits! » et à m’en éloigner « Oh! Un paysage! ») Nous avons quitté la ville en faisant la promesse de revenir à nouveau (le guide « Cartoville » présente des endroits que nous ne connaissons pas encore…) Et puis il y a les « 10 bornes du Havre » en mai, les « 10 km de Sainte Adresse » en juin, bref, largement de quoi remettre en jeu mon objectif des 55 minutes normandes !
Pour l’heure, c’est encore la reprise. Hier, le ciel était si beau que je suis partie prématurément du bureau pour un petit jogging dans mon parc favori. En 40 minutes, j’ai vu le jour fondre en crépuscule pour finir dans la nuit, seulement éclairée par la lueur des appartements voisins. J’étais bien vêtue: première couche manches longues Craft, deuxième couche Kalenji collection hiver, troisième couche coupe-vent Asics. Plus l’écharpe et le bonnet en polaire. Un collant d’hiver Craft, offert par Monsieur M. au Havre. J’avais bien chaud, sauf aux chevilles et aux genoux… Je vais essayer de me dégoter des « jambières » (on appelait ça comme ça en danse classique) pour les chevilles. Pour les genoux, je ne sais pas ce que je peux faire… une idée ?
La séance fut douce et agréable. Aucun mal aux mollets, seulement quelques tiraillement de reprise du côté des muscles sur les tibias. J’ai marché, couru doucement. Grimpé et dévalé quelques escaliers (ça soulageait mes tibias!) Un enfant en poussette m’a montré du doigt: « Dakikou, dakikou! »… « Oui, a répondu son père, c’est une dame qui court. » Ouf! L’habit fait le moine ^^
J’ai pu constater qu’une reprise n’est pas un redémarrage à zéro. J’avais beau alterner course et marche, je sentais dans mon corps que je n’étais plus en ce mois d’avril 2010 où j’ai posé mes premières foulées. J’étais fière de voir que mon rythme cardiaque restait autour des 160 bpm (sauf le dernier tour que j’ai couru à 10 km/h et 185 bpm ^^), de sentir que j’étais bien et que si je n’allais pas plus vite ou plus loin, c’était par sagesse et non par épuisement. Et ça change tout!
Si tout va bien dans deux semaines, je participerai à la Corrida d’Issy-les-Moulineaux, pour le plaisir de retrouver certains d’entre vous. Ensuite, préparation physique générale d’hiver pour le Snow Trail de la vallée de l’Ubaye, le 13 février avec le Taillefer Trail Team (je vous en reparlerai!) J’aborde l’avenir sereinement, d’autant plus que je signe mon nouveau contrat vendredi, qu’ensuite je prends une semaine de vacances où je vais pouvoir… courir !
(Mise à jour, suite au commentaire de Greg…
– Pourquoi tu cours ?
– Pour apprivoiser l’hiver. )
Je ne sais pas si au cours d’une vie de coureur ou de coureuse, on se rappelle de chacune de ses blessures, de ses repos forcés et de ses reprises. De la saison, du jour précis, du temps qu’il faisait. Je devrais toujours me souvenir que je me suis remise à courir un jour pluvieux d’automne, quelques heures avant le marathon de New-York 2010 où Haile Gebreselassie mit fin à sa carrière après 25 kilomètres de lutte contre lui-même.
Il en avait parlé sur son compte Twitter quelques temps avant le départ : « Starting and finishing NY marathon today will be tough. I trained well, and I am ready and eager to run. However… » (Et c’est là que toute la tension des 140 caractères de Twitter joue son rôle, on attend le prochain message l’oeil rivé sur son écran ^^) « I have some inflamation in my right knee, because of the long travel to NY city. No big problem, just some fluids. Hopefully the knee holds! » Les organisateurs du marathon de New-York (les « road runners« , nom qui désigne également le personnage « Bip bip » poursuivi par le fameux coyote) s’étaient payés le luxe de convier le grand Haile afin d’attiser les esprits. Las! L’humain n’est qu’humain, et jamais des milliers de dollars ne feront faire des étincelles à un genou qui ne veut plus tenir. On l’aura vu disparaître au bout du pont de Queenborough, masqué par les bras de métal de l’infrastructure. Je garderai de l’événement cette image imprécise, tellement inattendue que le cadreur de la télévision a oublié de la fixer.
Plus tôt le matin, il pleuvait sur Vanves. J’étais décidée à sortir quelle que soit la météo, pour ma reprise après une semaine et demie d’arrêt complet et un mois pile de blessure. Je ne savais pas encore si j’aurais mal en courant plus de quelques minutes (j’ai dû courir après le bus cette semaine, mais ce n’était pas un test suffisant 😉 ), je voulais au moins descendre au parc et faire quelques tours sur la partie à peu près plate. Tandis que je prenais mon café, la bruine s’est arrêtée. J’ai chaussé mes New Balance (taille 40 ^^), lancé le cardio-fréquencemètre, et après un petit échauffement je me suis élancée.
Comparée aux joggings d’Istanbul, ma fréquence cardiaque est plus basse. Je démarre à 95 bpm au lieu de 114, et je grimpe jusqu’à 190 mais pas au-delà. Les feuilles forment un tapis rouge par endroits. Le parc est silencieux, uniquement composé de joggeurs et joggeuses, du gardien… et d’un mec louche, qui se poste face à moi à plusieurs reprises avec un air abruti. Au bout de la troisième fois, je tente la technique dite « de la glaviotte », préconisée par Nadine de Rothschild lorsqu’elle faisait du jogging: je fais remonter un bon gros mollard de derrière les fagots, et je crache (pas en direction du gars, afin qu’il ne le prenne pas pour une attaque frontale, mais dans la direction opposée). A voir sa tête se transformer, j’ai fait une touche.
Côté mollet, je sens comme une gêne. Pas une douleur, mais une tension comme si les muscles et tendons avaient du mal à se réveiller. Je ralentis le pas, je continue sans forcer, mais je continue. Je suis sortie sans mes manchons de compression, pour que les sensations ne soient pas amoindries. Il faudra que je retente avec davantage d’échauffement, et les manchons Booster. En tout cas les autres indicateurs sont au vert: bon souffle, pas de mollets en plomb, pas de point de côté. Je sens seulement que mes semelles sont désormais un peu courtes pour mes nouvelles chaussures…
Au final, 32 minutes, 5 kilomètres, avec une moyenne de 6’20 » au kilomètre, et aucune courbature ni douleur a posteriori. Contente !
Cette photo prise sur l’avenue commerçante principale d’Istanbul, Istikâl caddesi, est sans doute prémonitoire. Hier, après une consultation salvatrice chez mon podologue, je me suis rendue à Team Outdoor pour cesser de bousiller mes pieds dans des chaussures trop petites, et j’ai opté pour des New Balance. J’étais partie pour rester sur Asics, puisque je me sentais très bien (mis à part les orteils compressés ^^) dans les Stratus.
Pour rappel, j’ai acheté ma première paire de chaussures de course en avril dernier, le lendemain de mon premier jogging avec Aurélie, chez un équipementier du côté du stade Suzanne Lenglen (pour ne pas le citer). C’était un lundi de Pâques, il n’y avait pas beaucoup de vendeurs disponibles, je les ai prises au feeling et comme à mon habitude je les ai choisies trop serrées. Disons que pour le pied droit, ça allait, mais le pied gauche n’était pas à la fête. Et j’ai mis 7 mois à m’en rendre compte.
Arrivée à Team Outdoor, Agnès avait déjà mis quelques boîtes de côté, pour que je puisse essayer différents modèles. Je plonge dans des Asics dernière génération… Ouh là, mais c’est quoi ce molleton insupportable, j’ai l’impression d’être comme la fille dans la pub pour une barre chocolatée, avec un nuage autour d’elle! (Ecoutez ces quelques notes, vous allez tout de suite voir de quoi je parle, pour les plus téléphiles d’entre vous: Mmmh le bon chocolat bien gras.) Je fais quelques pas en trottinant, en dehors du magasin… Pas terrible, je me sens comme sur un château gonflable, ça me rappelle quelques bons souvenirs d’enfance mais ce n’est pas précisément ce que je cherche pour courir.
Dans les New Balance 1064 pour femme, l’accueil du pied est totalement différent. C’est franc, direct, je me sens à l’aise et bien maintenue, en contact avec le sol. Je cours un peu dehors (un peu seulement, car j’ai une semaine d’arrêt complet à respecter…) et je me sens toujours aussi bien, les renforts sur les côtés de la cheville sont confortables sans être excessifs, et surtout je n’ai pas la sensation d’être à trois mille lieues du bitume (ce qui est étonnant, car l’épaisseur du talon est, de visu, assez impressionnante). J’essaye avec les semelles d’origine, avec mes semelles orthopédiques, avec les talonnettes que j’ai gagnées le matin même chez le podologue, sans les talonnettes… J’ai un peu le même sentiment que le jour de l’achat des Asics Stratus: comme si c’était une évidence, comme si ces chaussures n’étaient pas vraiment neuves mais déjà faites à mon pied. Sauf que là, je peux bouger les orteils !
Il fait beau, les portes du magasin Team Outdoor sont grandes ouvertes, on voit passer des joggeurs et joggeuses en route pour leur séance au Bois de Vincennes, ou de retour, tout boueux car il a pas mal plu dans la matinée. C’est très drôle, ils débarquent en trottinant, ils font un petit tour du côté des chaussures, jettent un oeil sur les lampes frontales et repartent. D’autres s’attardent, demandent conseil à Agnès, toujours disponible. Un monsieur équipé d’un camel bag (hmm… en fait on dit « camelbak » ^^) repartira avec des manchons de compression, soulagé. En tendant bien l’oreille on peut saisir au vol quelques bribes de courses mythiques, quelques récits sur les chemins du Mont Blanc à la nuit tombée.
Cette ambiance me met du baume au coeur, tout comme l’achat des chaussures neuves. Le matin, un examen de mon mollet par le podologue a confirmé une piste concernant ma blessure. Je penchais pour un problème du côté de l’insertion du tendon d’Achille dans le mollet, il s’avèrerait que ce soit plutôt une petite déchirure musculo-aponévrotique proche du phénomène du « tennis leg », mais en moins grave, puisque je n’ai pas senti ni entendu de claquage. J’ai trouvé une image qui cible exactement la zone de la douleur :
J'ai mal làààà !
Une semaine d’arrêt, donc, avec massages localisés, pommade anti-inflammatoire, étirements doux spécifiques. Et surtout, modification de ma façon de m’entraîner.
Premièrement, dans un premier temps, pas plus d’une séance de VMA par semaine. En alternance: une fois VMA courte (fractionné), une fois longue (résistance). J’ajouterai une deuxième lorsque ma condition physique sera un peu plus proche de celle d’une sportive ^^
Deuxièmement, respecter un jour de récupération le lendemain de cette séance de VMA. Ça peut être avec un petit jogging lent, mais pas à 10-11 km/h comme j’ai pu le faire avec les collègues. Ça veut dire aussi que les semaines où il y a les Veillées du Bois le jeudi, je ne fais pas de VMA le mercredi. 😉
Troisièmement, faire confiance à mes sensations. Si j’ai mal au-delà des simples courbatures, si la douleur est circonscrite et récurrente, ça ne veut pas dire que je suis douillette et que je dois m’endurcir, ça veut dire que mon corps me lance une alerte. Donc à ce moment là je lève le pied, et je n’enchaîne pas sur un jogging à 180 ppm, une compétition, un tracé GPS à Istanbul.
En attendant, je chausse avec bonheur mes New Balance 1064 à la maison, je me dis « Ouuuh, elles sont belles, avec leur mesh noir et leur liseré rose saumon »… avant de pouvoir les tester grandeur nature. Marrant cet acte d’achat, si je l’analyse 2 secondes, il s’avère très « traditionnel »: bien que ce modèle ait été testé dans la runnosphère, par Manu de Wanarun et par Djailla, je ne suis pas passée par ce canal-là, j’ai lu ces articles a posteriori. J’ai vu, d’une part, que certains coureurs de mon club portaient des New Balance, et je leur ai demandé leur avis. Et puis j’ai fait confiance à une professionnelle du matos, de la course et du trail, dans un magasin spécialisé. Et vous, comment achetez-vous vos chaussures ?