Ce week-end, je suis partie en Haute-Savoie. Non, pas pour disputer l’Ultra Trail du Mont Blanc, cette course mythique de haute-montagne annulée samedi puis reportée au lendemain avec modification de parcours — décision des organisateurs qui aura fait couler beaucoup d’encre dans les vallées.
Je ne vous parlerai pas de mon Ultra Randonnée de 2,91 km sur le massif du Grand Bornand, parcourue à raison de 37 minutes par kilomètre, sous la pluie, le vent battant, avec ma famille sous-équipée (non, les Converses, même montantes, ne sont pas de bonnes chaussures de marche 😉 ). Je ne vous parlerai pas non plus de mon footing du lendemain, 50 minutes le nez en l’air à 5,5 km/heure (oui, je vous jure que je courais, parfois).
Par contre, bourlinguer m’a permis de lire — dans le train, au rythme lent des voyageurs. Avant de partir, j’ai acheté Zatopek — le magazine, pas le coureur tchèque! Après nombreuses lectures de magazines consacrés à la course à pied, celui-ci me semble le plus abouti — c’est un trimestriel, ils ont le temps de fignoler — mais aussi le plus drôle.
Au premier abord, quand je l’ai découvert au début de l’été, il m’est tombé des mains. J’étais dans un Relais H en attendant le train des vacances, je l’ouvre et tombe sur la page 24 : des formules mathématiques, des courbes logarithmiques — le calcul de l’indice d’endurance… il n’en a pas fallu davantage pour me sentir larguée.
J’apprendrai plus tard, en lisant l’article en profondeur, qu’il s’agissait du seul paragraphe épineux de tout le magazine. A tel point que le rédacteur conseille à ses lecteurs en bisbille avec les chiffres d’aller voir directement au paragraphe suivant. Finalement je l’ai lu, ce n’était pas la mer à boire, en se concentrant un peu. Avec ma formation de lettres et sciences sociales, et même si Monsieur M. est un fondu de mathématiques, je recule trop souvent face aux murs de nombres (et au mur de brouillard sur le massif du Grand Bornand, mais ça c’est la sagesse, pas la peur).
En quelques mots, voilà pourquoi selon moi « Zatopek » est génial.
• Il nous rend intelligent. Ça se sent dès l’édito, dans lequel le rédac’chef aborde ses lecteurs par une question aussi physiologique que philosophique : « Qu’est-ce qui différencie une plante d’un animal ? » [pour savoir la réponse, lisez « Zatopek » n°15 ! 😉 ] Il parvient à dresser les grandes lignes du contenu du magazine tout en devisant sur les mots et notre rapport aux choses qu’ils désignent.
• Il n’est pas bardé de publicité. Il y en a bien sûr, mais leur proportion est limitée par rapport aux articles de fond. En matière de course à pied, je ne suis pas anti-pub. Je suis même friande de connaître les nouveautés du moment. Ici-même, je n’hésiterai pas à appeler un KitKat un KitKat. Mais point trop n’en faut. Le plus impressionnant, dans « Zatopek », est ceci: lorsqu’un bouquet d’épées s’abat sur le courrier des lecteurs pour dénoncer l’apparition du logo d’une boisson controversée, ils se fendent de quatre pages « pour ou contre le Red Bull ».
• Parce qu’il est engagé sans être fanatique. J’ai ressenti une fine alliance d’opinions fermement défendues et d’absence de crispation partisane. L’article sur l’hydratation souligne les excès commis par les diététiques sportives — en passant à l’occasion par une savoureuse citation de Mark Twain — mais présente chaque méthode dans sa perspective historique. Et dans les huit pages consacrées aux coureurs pieds nus, jamais je n’ai perçu de prosélytisme du type : « c’est trop cool, tous au barefoot ».
• Il est pluridisciplinaire. Et ça, c’est ce qui me fera signer le formulaire d’abonnement. Je vous ai déjà parlé des maths, de la culture littéraire au détour d’un article sur la physiologie, de l’histoire omniprésente comme outil de mise en perspective. Eh bien ce n’est pas tout : au lieu du sempiternel portrait mannequin-coureur-trop-high-trop-happy, on a un tableau de Magritte (p. 42). Et une analyse point par point d’une photographie mythique, celle de la victoire de Bikila aux JO de Rome en 1960. Sans oublier l’anthropologie (une réflexion autour du livre « Manthropology » sur les supposées performances de nos lointains ancêtres) ou la psychologie — avez-vous déjà vu… un potomane sur un marathon ?
• Et en plus c’est bien écrit. Les sujets sont traités sur la base d’articles et de controverses scientifiques les plus récents, tout en conservant une langue tantôt tranchante (« La méthode Brambilla ne vaut rien! »), tantôt magnifique — je pense à l’article sur les produits dopants. Quant aux légendes des illustrations, elles n’ont rien à envier aux plus grands titres de « Libé ». « Régina Jacobs court en bleu. »… elle porte effectivement un maillot bleu, mais elle est également connue pour tricher en s’aidant du Viagra, la fameuse pilule bleue.
… Un petit bémol, pour nuancer cette recension dithyrambique ? Une lectrice s’en charge, réclamant davantage d’articles consacrés à la physiologie féminine de la course à pied. J’approuve, je like, je plussoie ! Et s’il vous plaît, pas de « courir pour maigrir »!..
Et vous, quel est votre magazine de running favori ?
PS : « Pourquoi tu cours ? » « Parce que ça entretient ma curiosité. J’ai même réussi à comprendre des maths. »