Mois : novembre 2010

Les ruses de l’irraison

Me voilà encore bien attrapée. Combien de temps avant de parvenir à comprendre les mécanismes de la blessure (physiologiques comme psychologiques), de pouvoir les surprendre avant qu’ils ne s’installent, de savoir les déjouer. Comment se renforcer dans les limites de ses capacités, comment progresser quand on part de rien mais qu’on a déjà un peu avancé, comment ne pas tomber dans les blessures chroniques ?

Je me pose ces questions la cheville et le pied droits enroulés dans un strapping réalisé par ma médecin du sport, transis par une « aponévrosite du tendon tibial antérieur » (souvenez-vous, ce même tendon qui me criait lors de ma dernière sortie « C’est pas bientôt fini, ce cirque ? » Et que je n’ai pas écouté, parce qu’il fallait bien rentrer au bercail, boucler la boucle, suivre le groupe.

Si j’analyse un instant ce qu’il a pu se produire, j’en conclus que ma nouvelle blessure est le fruit d’une reprise prématurée (par ignorance) et d’un emballement face à un effet de groupe (par bêtise). Bêtise d’autant plus grande qu’à un moment donné, j’étais la brebis en chef de cette fable rabelaisienne. Menant le troupeau à 6’10 au kilomètre sur des chemins boueux et meubles. Quand je suis repassée en arrière, le rythme était pris. Les questions prévenantes des meneurs d’allure (« Ça va, derrière? » ; « On ralentit, si tu veux… ») n’y font à ce moment plus rien: « Oui, oui, ça va! » ; « Tout baigne, je suis juste à 196 bpm! »

Je n’ai pas non plus su résister à la petite musique d’un des compagnons de route: « Là sur la fin, si tu sprintes tu sauras ta FC max. » Première réaction instinctive, intérieure: « Mais il m’énerve celui-là, je fais ce que je veux, je ne sprinterai pas! » Et quand je m’agace en courant, ça ne m’aide pas. A rebours des résultats d’une étude montrant les effets bénéfiques des jurons sur la résistance à la douleur, si je m’agace, j’ai d’autant plus mal. Et si je jure à voix haute, c’est encore pire. Alors qu’ai-je voulu prouver en sprintant dans la descente finale? Sur de la route bien dure, en plus! J’étais trop curieuse de voir jusqu’où je pouvais monter. J’ai vu.

En tout cas c’était un sprint contagieux, car une autre fille du groupe s’est également élancée, me dépassant sans peine. Peut-être l’avais-je attisée tout du long, avec ma frontale-diadème, mon passage en première ligne, et toute l’attention dont j’étais malgré moi l’objet. Vas-y, Mam’zelle, dépasse, moi je tiens 20 mètres à cette vitesse et mon esprit de compétition est décédé quelque part dans un coin de classe de Khâgne sur les rives de la Garonne. Je ne livre bataille qu’à moi-même, comme en ce moment-même où je songe à mes erreurs.

Mais pourquoi ce Nazar Bonzuk, cet oeil turc en illustration ? Tout simplement parce que c’est l’un de mes porte-bonheurs. J’en ai trouvé un sur le sol d’une station service juste avant de passer mon permis (et j’ai eu mon permis). Depuis il trône dans ma cuisine, souvenir d’un moment d’irrationalité pure. Dans ma boîte à gri-gri, j’ai également un bracelet super moche en plastique noir que j’ai porté une semaine avec des résultats éclatants: forfait au Havre, cavalcade irraisonnée, aponévrosite… Le Power-Tonic, ça marche du tonnerre ! Oui, vous avez bien lu. Je ne blaguais pas quand je disais à Fabrice (et dans le plus grand des secrets, à Greg), que j’avais été vaincue par les sirènes du magical marketing, après l’avoir publiquement conspué. Au Havre, justement. Avec Monsieur M. et toute sa rationalité, ébranlé par les tests du vendeur (on a compris: le corps s’adapte, merci M’sieurs Dames!) Un moment grandiose, qu’il aurait fallu ethnographier, avec sa conclusion formidable: « J’y crois pas mais quand même… » Le bracelet en plastique rejoindra la cohorte des souvenirs amusants et objets introuvables, au fond d’un tiroir. En fait, ça ne marche pas car je ne l’ai justement pas « trouvé », comme l’oeil turc. Si on achète, si on introduit du négoce dans ce type de transaction avec les mondes parallèles, ça foire. C’est ce que disait un rebouteux de mon village qui soignait les verrues avec une pomme, et qui est mort avec son secret car ses filles en auraient fait commerce.

En attendant, je crois fermement en mon strapping. Et en mes bonnes résolutions: plus de compétitions jusqu’en février (exit la Corrida d’Issy, de toutes façons je dois arrêter de courir pendant deux semaines) ; une vraie reprise en douceur (quand on n’a plus mal, il faut encore attendre… et quand on recommence, il faut y aller doucement… et encore doucement… et encore doucement…) ; une préparation physique globale pour reprendre la saison 2011 dans de bonnes conditions !

– Pourquoi tu cours ?
– Pour comprendre ce que j’ai dans le crâne…

———————————————–

Une petite annonce pour finir : comme au mois d’octobre, je participe ce premier vendredi du mois de décembre à l’opération « Vases Communicants« . J’inviterai ici Anthony Poiraudeau, de Futiles et Graves, et j’irai courir chez lui. Le mois prochain, j’essayerai de lancer l’annonce un peu plus tôt pour que nous puissions, si l’envie nous prend, étendre cette initiative à la runnosphère.

Veillée du Bois Team Outdoor: fiat lux !

Oh comme j’étais bien entourée à cette dernière Veillée du Bois de l’année 2010 ! Figurez-vous un peu, de gauche à droite: Greg, de Mon premier marathon ; Fabrice, de RunOnline ; Djailla ; Noostromo… Sans oublier Agnès, de Team Outdoor, derrière l’appareil photo et aux manettes de ces exceptionnelles soirées au Bois de Vincennes. Agnès, mais aussi comme elle le rappelle, David, Laurent, Antoine, Tchitchi, Michou, Thierry, Fred et son père… une aventure collective en somme!

J’ai pourtant bien failli ne pas arriver à temps au départ, mais comme j’étais déjà en habits de running, j’ai pu emboîter le pas au groupe « lent ». Non sans avoir été coiffée au passage de la lampe personnelle d’Agnès, une Petzl Ultra du meilleur tonneau: 350 lumens (et presque autant d’euros), un faisceau large (très large!) de longue portée, une ergonomie surprenante pour un tel mastodonte. C’est bien simple, je ne la sentirai presque pas sur ma tête durant toute la sortie, bien calée sur mon bandeau, et ce malgré un accumulateur porté derrière le crâne.

Mes compagnons du groupe « 6’30 au kilo » ne me laissent pas l’oublier, ne manquant pas de me rappeler que j’ai là un précieux digne d’un diadème, d’une couronne, d’une tiare papale! Et le meneur me fait passer devant en plein bois sombre, pour que je me rende compte du phénomène. Tous les autres coureurs éteignent leur lampe, seule l’Ultra darde ses petites Leds, je tourne la molette à fond. Sensation extraordinaire: comme si le jour s’était invité dans la nuit. On voit loin, on voit sur les côtés, et en mode maximal il n’est pas question de tourner la tête vers les copains pour discuter, sous peine de leur éclater les yeux. Le seul souci de ce mode d’éclairage sur une tête de newbie, c’est que je me mets à regarder le découpage des branches d’arbre, que je me laisse happer par l’étrangeté des formes nocturnes… oubliant que le principal est le relief du sol sous mes pieds. C’est là que je me prends une bonne flaque de boue, bien franchement, mettant les Cascadia de Brooks testées ce soir à rude épreuve.

Elles ont l’air belles et propres, les Cascadia sur ces photos… Elles seront dans un état pendable à la fin de la sortie. Car on s’amuse: tour du lac, forêt, chemins et route, petites buttes, boue (et flaques de boue…), bords de rivière. Test de la flaque: 10/10, la chaussure sèche en moins de deux, ce qui est plutôt agréable. Super stabilité sur chemins, largement moins satisfaisante sur route (en même temps, c’est pas fait pour…) J’ai dû prendre un peu trop grand en termes de pointure (pour une fois!) et je sens que mon pied n’est pas assez maintenu sur l’avant. Au bout de trois quart d’heure, bingo: je sens une ampoule qui se forme sur l’intérieur du pied gauche.

C’était ma première sortie « costaude » depuis ma reprise. Bien qu’embringuée dans le troisième groupe, le rythme est assez soutenu pour moi. Je suis tout bonnement entre 180 et 195 bpm tout du long, sauf au cours d’une pause à la fontaine où mon rythme cardiaque redescend à 150. En même temps, j’étais sans doute un peu en excès de confiance. Durant toute la première partie de la balade, j’étais super à l’aise, sans aucune douleur, heureuse d’être là avec mes compagnons et compagnes de route d’un soir. Et puis j’avais la Lampe Magique d’Agnès, et quand j’étais devant j’avais du mal à ralentir. J’ai prononcé des phrases incroyables pour une tortue comme moi: « Attention, derrière, ça glisse ! » ; « On prend où, là, à gauche ? »… Et quand c’est devenu plus dur, je suis repassée en arrière mais je prenais sur moi pour garder le rythme du groupe. Je sentais pourtant un tendon du côté de ma cheville et de mon tibia droit qui me disait : « C’est pas bientôt fini, ce cirque ? »

J’ai même fait une petite pointe à 204 bpm, à la toute fin, dans un sprint du dernier souffle (j’ai dû tenir 20 mètres…) Bon, on dira que c’est ma fréquence cardiaque maximale. (Le détail de l’activité ici: http://connect.garmin.com/activity/57927008)

Retour au magasin pour discuter avec les autres coureurs, tester les gels et barres énergétiques Mulebar (j’en reparlerai sûrement, pour une fois que ces sucreries pour sportifs sont vraiment bonnes!) et regarder un premier jet des photos de courses et paysages envoyées par les participants aux Veillées. C’est une initiative vraiment excellente, cela permet aux uns et aux autres de raconter des souvenirs, des moments forts, des anecdotes de course. Et ça donne un liant supplémentaire à une soirée déjà très chaleureuse. Noostromo et Greg rencontrent pour la première fois Fabrice, après plusieurs mois de commentaires sur leurs blogs respectifs. Un très bel instant dans cette veillée… lumineuse !

– Pourquoi tu cours ?
– Pour la surprise des rencontres à la lueur des frontales.

Les autres billets sur cette Veillée du Bois:
Djailla
Fabrice & double dose pour Fabrice tout fou avec ses Salomon XR Cross Max
Greg
Noostromo

Et Doune, tu nous as manqué mais tu as été sage de ne pas venir blessé !

Pour finir, une vidéo de Noostromo pour vous donner une idée de l’ambiance…

Run, sister, run !

Un tout petit billet pour évoquer le premier jogging réalisé avec ma soeur (que nous appellerons « Miss C. » ^-^) Longtemps repoussé, nous avons enfin trouvé ce midi le temps de nous rejoindre pour une petite sortie au parc de l’île Saint-Germain. Le sol est trempé, mais le ciel n’a pas l’air de vouloir pointer son air menaçant, c’est parti pour 40 minutes de marche et de course.

Beaucoup de marche, puisque c’est la deuxième séance de Miss C. et que comme moi, elle part de pas grand-chose. (Dans la famille, on fait beaucoup de danse traditionnelle, des fest-noz, des bals, mais ça n’est pas assez fréquent pour être considéré comme une activité physique régulière.) Je lui ai passé ma ceinture cardio et ma montre Garmin, pour se donner une idée du rythme cardiaque. Et on a bien fait de travailler avec cet instrument, parce que Miss C. part assez vite dans les tours ! Autour de 100 bpm au début de la marche, 140-160 en marche rapide, 170-190 en course. Dès qu’elle dépassait 190 bpm, même si le temps de course était bref ou la vitesse pas très rapide, on marchait. Très vite essoufflée, elle avait pourtant à coeur de repartir dès que le rythme baissait. Très courageuse, Miss C. !

On a croisé dans les chemins boueux pas mal de joggeurs, et je ne pouvais m’empêcher de regarder (et de commenter) leur foulée. J’ai aussi regardé comment courait Miss C., et mis à part le pied droit qu’elle pose trop en canard (comme moi) et qu’elle doit penser à poser plus droit, c’est harmonieux et équilibré.

Quelques escaliers glissants se sont mis en travers de notre chemin, qu’à cela ne tienne, on a grimpé les premiers en « montée de genoux » et descendu prudemment ceux qui nous amenaient au bord de la Seine (pas tellement envie de tomber, d’autant que ce soir, il y a la dernière Veillée du Bois de l’année 2010 avec Team Outdoor à Vincennes !)

Objectif à court terme: augmenter le temps de course et baisser le temps de marche, même si pour cela il faut ralentir encore.
Objectif de régularité: une séance par semaine (Ouiiii! Même en hiver ^^ Je gage qu’au printemps elle voudra en faire deux.)
Son objectif à plus long terme: La Parisienne 2011, venir en spectatrice lui a donné envie de s’y mettre !

– Pourquoi tu cours ? (Je laisse la réponse à Miss C.)
– Pour partager la passion débordante de ma soeur et repousser mes limites physiques et mentales petit à petit !

Un forfait tout compris

Cette course au Havre était prévue de longue date, on m’avait même attribué un numéro de dossard tout à fait étonnant: 14 (le Calvados, la rive d’en face.)

Monsieur M. et moi adorons cette ville, et la course des dockers était un bon prétexte pour y retourner une nouvelle fois. Revoir ce front de mer et ses couleurs étranges, l’architecture majestueuse qui donne ses lettres de noblesse au béton, ces docks survivant à tous les assauts des marchés financiers et du temps.

Arrivés la veille, j’avais beau sentir un peu mon mollet droit tiraillant (le gauche est déjà guéri depuis quelques temps, mais le droit s’est réveillé par compensation), j’étais confiante. J’annonçais la couleur à qui voulait l’entendre: « Demain je fais la course des 10 kilomètres des dockers! » Tous y ont eu droit: le réceptionniste de l’hôtel, le marchand d’articles de sport, le restaurateur thaïlandais, les coiffeuses. Je me suis retenue de le dire à la pharmacienne, mais c’était moins une. Je fanfaronnais sur le blog de Fabrice, de RunOnline: « T’inquiète pas pour moi, j’ai un bracelet powertonic autour du poignet (Mouahaha!) » J’avais beau faire la brave, les mots de Fabrice résonnaient gravement dans ma tête: « Clara, si tu ne prends pas le temps de te préparer, tu vas encore de blesser, et te blesser…..pas sérieux ça. » Et je savais qu’il parlait en connaissance de cause, ayant eu à souffrir du même type de blessure.

Le lendemain matin au réveil, je sentais encore un peu mon mollet droit. Pas une douleur, une simple gêne. J’étais prête à y aller quand même, je m’étais tellement passé et repassé le film de la course dans ma tête… C’était sans compter sur le pouvoir de l’esprit (ou l’effet du stress, ou l’ange gardien des coureurs, appelez ça comme vous voudrez 😉 ) qui m’a tout bonnement lancé une dernière sommation du côté des intestins. Je n’ai rien pu faire d’autre que de courir… aux toilettes, ce qui a finalement sauvé mon mollet, qui a pu retourner se coucher. Fulgurant, mais bref, juste suffisant pour que je ne prenne pas le départ, car dès le déjeuner j’enchaînais sans sourciller sur une choucroute (c’est pas très raccord avec la région, mais il y a au Havre une brasserie délicieuse, qui s’appelle Paillette et qui fait des choucroutes sensass’).

Monsieur M. et moi avons donc profité de notre week-end, un p’tit tour sur la plage, une visite au musée Malraux (qui comporte d’extraordinaires collections impressionnistes, j’ai passé deux heures à m’approcher des tableaux « Oh! Des petits traits! » et à m’en éloigner « Oh! Un paysage! ») Nous avons quitté la ville en faisant la promesse de revenir à nouveau (le guide « Cartoville » présente des endroits que nous ne connaissons pas encore…) Et puis il y a les « 10 bornes du Havre » en mai, les « 10 km de Sainte Adresse » en juin, bref, largement de quoi remettre en jeu mon objectif des 55 minutes normandes !

Pour l’heure, c’est encore la reprise. Hier, le ciel était si beau que je suis partie prématurément du bureau pour un petit jogging dans mon parc favori. En 40 minutes, j’ai vu le jour fondre en crépuscule pour finir dans la nuit, seulement éclairée par la lueur des appartements voisins. J’étais bien vêtue: première couche manches longues Craft, deuxième couche Kalenji collection hiver, troisième couche coupe-vent Asics. Plus l’écharpe et le bonnet en polaire. Un collant d’hiver Craft, offert par Monsieur M. au Havre. J’avais bien chaud, sauf aux chevilles et aux genoux… Je vais essayer de me dégoter des « jambières » (on appelait ça comme ça en danse classique) pour les chevilles. Pour les genoux, je ne sais pas ce que je peux faire… une idée ?

La séance fut douce et agréable. Aucun mal aux mollets, seulement quelques tiraillement de reprise du côté des muscles sur les tibias. J’ai marché, couru doucement. Grimpé et dévalé quelques escaliers (ça soulageait mes tibias!) Un enfant en poussette m’a montré du doigt: « Dakikou, dakikou! »… « Oui, a répondu son père, c’est une dame qui court. » Ouf! L’habit fait le moine ^^

J’ai pu constater qu’une reprise n’est pas un redémarrage à zéro. J’avais beau alterner course et marche, je sentais dans mon corps que je n’étais plus en ce mois d’avril 2010 où j’ai posé mes premières foulées. J’étais fière de voir que mon rythme cardiaque restait autour des 160 bpm (sauf le dernier tour que j’ai couru à 10 km/h et 185 bpm ^^), de sentir que j’étais bien et que si je n’allais pas plus vite ou plus loin, c’était par sagesse et non par épuisement. Et ça change tout!

Si tout va bien dans deux semaines, je participerai à la Corrida d’Issy-les-Moulineaux, pour le plaisir de retrouver certains d’entre vous. Ensuite, préparation physique générale d’hiver pour le Snow Trail de la vallée de l’Ubaye, le 13 février avec le Taillefer Trail Team (je vous en reparlerai!) J’aborde l’avenir sereinement, d’autant plus que je signe mon nouveau contrat vendredi, qu’ensuite je prends une semaine de vacances où je vais pouvoir… courir !

(Mise à jour, suite au commentaire de Greg…
– Pourquoi tu cours ?
– Pour apprivoiser l’hiver. )

En transition

Après le jogging de reprise, le jogging de tortue, voici venu le jogging du dimanche — à ne pas confondre avec la sortie longue, plus noble et vertueuse. Je suis toujours en phase de redémarrage après ma blessure au mollet gauche, et comme désormais le droit me titille par compensation, je préfère ne pas reprendre la vitesse et la piste tout de suite. Il ne faudrait pas que cette prudence confine à la peur du tartan — je crains un peu ce revers d’excès — mais je préfère me préserver pour pouvoir m’amuser dimanche dans la belle ville du Havre, aux 10km des dockers.

Cette période de lent redémarrage concorde avec d’importants changements professionnels, transition qui me demande du temps et de l’énergie. Je choisis donc de passer les dernières heures du jour à rédiger mon ultime rapport de recherche plutôt qu’à courir. Lorsque le soleil passe par-dessus les bâtiments qui abritent mon futur-ex bureau, j’ai le coeur qui se serre de ne pas pouvoir gambader au milieu des feuilles rousses, mais je voudrais partir avec la conscience claire.

Pour mémoire des dernières sorties, si la « reprise » était un peu trop enflammée, à une allure de 6,20 min/km sur 5 kilomètres et 180 bpm de moyenne (32 minutes), la « tortue » s’est contentée de 8,39 min/km, toujours sur 5 kilomètres à 164 bpm (44 minutes). Dimanche a vu fleurir une petite variante mêlant début très lent et fin plus rapide: 7,39 min/km en moyenne (ou plutôt 7km/h au début et 11 km/h à la fin, à l’aise Blaise), 5 kilomètres, 38 minutes et 172 bpm en moyenne.

Prochaine étape, demain peut-être, une séance de côte autour de chez moi (dans la jungle urbaine, grande première!) J’ai aussi un rêve secret pour la course de dimanche, mais je vais essayer de ne pas trop y penser. 🙂

Chi va piano…

A huit heures et quart, le gardien fait sa ronde d’ouverture. Les bruits de la ville sont assourdis et je suis la première joggeuse à franchir les grilles du parc. J’ai à peine bu un café et un verre d’eau, mais le réveil a été facile car je savais que j’allais courir. Ce sera une séance lente, très lente. La blessure est encore trop proche pour risquer de la ranimer.

Je pourrai ainsi mettre en application les conseils de Philippe Billard qui fait cette proposition dans le Jogging International de novembre: « Et si on (ré)apprenait à courir lentement ? » J’aime bien l’image qui illustre l’article, une tortue est sur la première marche du podium, suivie par des lièvres en plastique. Le but est de faire descendre les pulsations cardiaques, tout en courant (ben oui, quand même! ^^) Je ne connais toujours pas ma FC maximale, j’avais donc visé un 150 bpm, au hasard… loupé ! Je commence la séance à 143, ça va être difficile ! Ma cible sera donc aux environs de 160 bpm. Je me lance une règle arbitraire: je dois rester autour de 160 ; si au bout d’un kilomètre j’atteins les 170, je marche le  temps que ça redescende.

Premier kilomètre… 171, je marche quelques secondes et c’est reparti. Deuxième kilomètre… 175, je marche encore. Idem au troisième. Entre le quatrième et le cinquième kilomètre, mon rythme se stabilise, victoire ! Alors bien sûr, je ne vais pas vite. Je pense que je n’ai encore jamais couru aussi lentement. 8 minutes 30 au kilomètre, 7 kilomètres heure. J’atteins les 5 kilomètres en presque 45 minutes. Mais le calme du parc se marie bien avec cet exercice. La tortue que je suis se fond parmi les canards du petit étang et les moineaux paresseux. Je n’ai pas pris de musique, et j’apprécie cet état méditatif dans lequel je rentre.

Et surtout, luxe précieux, je n’ai mal nulle part. Au tout début, les muscles des tibias chauffent un peu. Le tendon d’Achille, accroché au mollet gauche, ne se fait pas totalement oublier. Mais au bout du deuxième kilomètre, tout rentre dans l’ordre. J’ai l’impression que je pourrais continuer comme ça pendant des heures et des heures. (Mais non! Il faut aller au travail! 😉 ) Aucune trace douloureuse durant la journée qui suivra, seule reste la délicieuse sensation d’avoir couru. En quittant le parc, je croise une femme d’au moins 70 ans, toute petite et toute ridée. Elle porte des Asics aux pieds, un bonnet, des gants, et elle se met à courir, lentement. J’aimerais être comme elle dans quarante ans.

© photo: http://michelc.over-blog.com/

Petite reprise sur fond de NYC

Je ne sais pas si au cours d’une vie de coureur ou de coureuse, on se rappelle de chacune de ses blessures, de ses repos forcés et de ses reprises. De la saison, du jour précis, du temps qu’il faisait. Je devrais toujours me souvenir que je me suis remise à courir un jour pluvieux d’automne, quelques heures avant le marathon de New-York 2010 où Haile Gebreselassie mit fin à sa carrière après 25 kilomètres de lutte contre lui-même.

Il en avait parlé sur son compte Twitter quelques temps avant le départ : « Starting and finishing NY marathon today will be tough. I trained well, and I am ready and eager to run. However… » (Et c’est là que toute la tension des 140 caractères de Twitter joue son rôle, on attend le prochain message l’oeil rivé sur son écran ^^) « I have some inflamation in my right knee, because of the long travel to NY city. No big problem, just some fluids. Hopefully the knee holds! » Les organisateurs du marathon de New-York (les « road runners« , nom qui désigne également le personnage « Bip bip » poursuivi par le fameux coyote) s’étaient payés le luxe de convier le grand Haile afin d’attiser les esprits. Las! L’humain n’est qu’humain, et jamais des milliers de dollars ne feront faire des étincelles à un genou qui ne veut plus tenir. On l’aura vu disparaître au bout du pont de Queenborough, masqué par les bras de métal de l’infrastructure. Je garderai de l’événement cette image imprécise, tellement inattendue que le cadreur de la télévision a oublié de la fixer.

Plus tôt le matin, il pleuvait sur Vanves. J’étais décidée à sortir quelle que soit la météo, pour ma reprise après une semaine et demie d’arrêt complet et un mois pile de blessure. Je ne savais pas encore si j’aurais mal en courant plus de quelques minutes (j’ai dû courir après le bus cette semaine, mais ce n’était pas un test suffisant 😉 ), je voulais au moins descendre au parc et faire quelques tours sur la partie à peu près plate. Tandis que je prenais mon café, la bruine s’est arrêtée. J’ai chaussé mes New Balance (taille 40 ^^), lancé le cardio-fréquencemètre, et après un petit échauffement je me suis élancée.

Comparée aux joggings d’Istanbul, ma fréquence cardiaque est plus basse. Je démarre à 95 bpm au lieu de 114, et je grimpe jusqu’à 190 mais pas au-delà. Les feuilles forment un tapis rouge par endroits. Le parc est silencieux, uniquement composé de joggeurs et joggeuses, du gardien… et d’un mec louche, qui se poste face à moi à plusieurs reprises avec un air abruti. Au bout de la troisième fois, je tente la technique dite « de la glaviotte », préconisée par Nadine de Rothschild lorsqu’elle faisait du jogging: je fais remonter un bon gros mollard de derrière les fagots, et je crache (pas en direction du gars, afin qu’il ne le prenne pas pour une attaque frontale, mais dans la direction opposée). A voir sa tête se transformer, j’ai fait une touche.

Côté mollet, je sens comme une gêne. Pas une douleur, mais une tension comme si les muscles et tendons avaient du mal à se réveiller. Je ralentis le pas, je continue sans forcer, mais je continue. Je suis sortie sans mes manchons de compression, pour que les sensations ne soient pas amoindries. Il faudra que je retente avec davantage d’échauffement, et les manchons Booster. En tout cas les autres indicateurs sont au vert: bon souffle, pas de mollets en plomb, pas de point de côté. Je sens seulement que mes semelles sont désormais un peu courtes pour mes nouvelles chaussures…

Au final, 32 minutes, 5 kilomètres, avec une moyenne de 6’20 » au kilomètre, et aucune courbature ni douleur a posteriori. Contente !

Du lac Saroma au lac de Vassivière

Allez, je me lance: voici le premier billet de ce blog qui sent le four chaud, la pâte à tartiner et l’amande. Quitte à jouer à girly au pays des geeks. Je ne suis pourtant pas cuisinière pour deux sous. J’aime les bons produits, mais tout ce que je sais faire, c’est couper en bouts et jeter dans la poêle. Pourtant, tellement dépitée par les aliments pré-mâchés de la course à pied, entre jus infâmes, gels médicamenteux et autres gâteaux sportifs étouffes-chrétiens, je me lance dans la fabrication de mes propres barres et boissons.

C’est un livre écrit par Kecily et Kristof Berg qui m’a inspiré: « Secrets d’endurance », récemment présenté sur Wanarun, et que j’avais découvert par hasard dans une librairie, la veille des 10km de Paris Centre. Je ne vous le présente pas plus, je sais qu’il circule dans la runnosphère comme une poignée de dragibus (oui, je sais, c’est pas bon les dragibus 🙂 ) et que nombre d’entre vous l’ont sur leurs étagères. Les auteurs ont également leur propre blog, Metagama, qui respire les voyages, la cuisine… et la passion de la course à pied — ils ont d’ailleurs bouclé le marathon de Toulouse, le week-end dernier, avec un sacré brio.

Comme en ce moment je ne cours pas (bouuhouhou!), j’ai préféré taper dans la partie « biscuits de récupération ». On testera les « ultrabarres » quand le temps des sorties longues et des randos dans la neige sera de retour.

Bien, bien, bien. Ouvrez votre livre à la page 30, « Lac Saroma. Un biscuit moelleux à l’azuki, avoine, banane et amande, épicé à la cannelle ». Miam ! L’azuki, c’est un haricot japonais. Ça doit certainement être succulent, mais on est lundi 1er novembre, je n’ai pas préparé mon coup et le Naturalia du coin est fermé. Il va falloir jouer serré. Et se rendre au magasin où les prix sont francs (les parisiens reconnaîtront, pour les autres, imaginez une supérette améliorée). C’est là qu’on se rend compte à quel point les produits bios ont envahi les étalages des chalands les plus simplets. Je vais pouvoir y trouver du lait de soja (bio), de la poudre d’amande (bio), pas de flocons d’avoine mais un muesli (bio) qui fera l’affaire, des bananes bios, de la cannelle pas bio (flûte!).

Les haricots azuki, ce sera pour une autre fois. Je déniche à la place des haricots rouges, bien cuits ils seront assez fondants. Pour la peine, je rebaptise ces biscuits « Lac de Vassivière », en l’honneur de mon pays natal (et d’un ingrédient mystère…) Si le lac Saroma est mythique pour ses 100 bornes, le lac de Vassivière a l’honneur d’accueillir chaque année un semi-marathon des plus pentus. Dont acte.

On retrousse ses manches, c’est parti. D’abord, le trempage des haricots. Kecily et Kristof expliquent dans leur ouvrage que le trempage réveille les qualités nutritionnelles des légumes secs, et qu’il doit durer une nuit. Flûte, j’ai pas prévu. Sur le paquet, c’est marqué une heure trente, on va faire ça. Pendant ce temps, je fais du tricot (je rigole !!)

Je prépare les autres ingrédients. Comme je n’ai pas de purée d’amande (décidément, j’ai rien!), j’en fabrique une avec de la poudre (d’amande…) et du lait de soja. Si les contenants ont une influence sur les contenus, je ne vous raconte pas ce que ça va donner dans cette tasse…

La tasse-à-prouts

Je coupe les bananes (ça je sais faire), et comme je n’ai pas de mélasse ni de sirop d’agave, je décide d’ajouter l’ingrédient mystère, à savoir: tadaaaaa! La crème de marrons. Du Limousin. De Clarisse-la-chérie-du-Papa-de-ma-copine-Sarah. Eh oui.

En même temps, des bananes, on sait à quoi ça ressemble.
Confi'Fruits de Châtaignes. Par Clarisse, de Cognac-la-Forêt.

Après le trempage, la cuisson. Encore une heure trente. Pendant ce temps, je me prépare psychologiquement à l’étape suivante, l’utilisation du robot ménager offert il y a un an par la maman de Monsieur M. Il y a UN AN. Et là c’est first time. Je suis vraiment une grande cuisinière. Alors dans le robot, il y a des lames qui tranchent, des râpes qui coupent, un moteur, tout ça. Dans une vie antérieure j’étais boulangère et si la patronne n’avait pas été là pour appuyer sur le bouton rouge d’urgence, ma main passait dans le tranchoir à pain. Souvenirs, souvenirs. Je me raisonne: ça ressemble au babycook que j’ai offert à une collègue il y a quelques années, mais en plus grand.

Ça bouille !

Allez, c’est bien cuit, on égoutte, on prend 200 grammes… Gloups, ça fait combien, 200 grammes ? Parce que je n’ai pas de balance, non plus. Dans une autre vie antérieure, j’ai été épicière, et je n’avais pas mon pareil pour peser à la volée « une livre ». Quels que soient les fruits et les légumes, « une livre », j’étais trop forte. Je mettais les primeurs sur la balance, pof, une livre et quelque. Je me concentre, j’essaye de redevenir épicière à Treignac, et hop, 200 grammes dans le robot mixeur. J’ajoute la tambouille d’amande, les bananes, le muesli, le lait de soja, la cannelle, la crème de marrons. Et je mixe.

Premier coup de mixeur, c'est pas très ragoutant.
Deuxième coup de mixeur, c'est pas mieux!

Je couvre une plaque de papier sulfurisé, et je dépose des paquets de cette pâte, un peu comme si c’était des cookies. Dans le livre, ce sont de belles barres bien régulières, mais je n’ai pas de « nonnette rectangulaire ». J’enfourne, je fais cuire à 160°: d’abord 10 minutes d’un côté, puis je retourne la plaque et encore 20 minutes.

Avant
Pendant
Après
Genre "je suis sur M6"

Et comme si ça ne suffisait pas, j’ai essayé de faire des barres sans moules à barre pour réaliser des gâteaux moins gros.

Mmmh! On dirait du chocolat!

Verdict: c’est super bon et fondant. Je m’imagine déjà sur un sentier de montagne, en train de boulotter mes petits gâteaux. Ça manque juste un peu de sucre, mais j’aurais dû lire la dernière phrase de la recette: « Ce biscuit est volontairement peu sucré: n’hésitez pas à l’adapter à votre goût. » Donc pour la prochaine fois: triple ration de crème de marrons !

——————

On va faire comme dans les vrais blogs de cuisine, je vous mets la recette à la fin.

Lac de Vassivière
(librement inspiré de Kecily et Kristof Berg)
(version triple ration de crème de marrons)

– 200 grammes de haricots rouges cuits
-100 grammes de muesli
– 2 bananes
-2 cuillères à soupe de gloubi-boulga d’amande
-3 cuillères à soupe de lait de soja
-3 cuillères à soupe de crème de marrons
-2 cuillère à café de poudre de cannelle

Préchauffer le four à 200°
Mixer les ingrédients
Laisser reposer un peu (ils sont fatigués, les ingrédients!)
Couvrir une plaque de papier sulfurisé, faites des tas comme vous pouvez
Enfourner et faire cuire 10 min, puis retourner la plaque (avant/arrière) et poursuivre la cuisson 15 à 20 min, à 160°

Allez courir, et dégustez !