Trail du pays de Sully : un long dimanche de fiançailles

Un p’tit trail en douce, l’air de rien, aux confins de l’Ile-de-France. A l’origine, nous devions partir du côté du Mont Blanc avec les copains de la Runnosphère: Greg, Virginie, David, Christophe. Mais mon emploi du temps professionnel et l’état de ma trésorerie en ont décidé autrement : ce sera un trail « à la maison », avec tâtage de genou jusqu’au dernier moment et inscription la veille.

Le trail de Sully, ainsi nommé à cause de Maximilien de Béthune, duc de Sully et Directeur du FMI Ministre des Finances d’Henri IV dont les terres s’étendaient quelque part dans la forêt de Rosny-sur-Seine, possède trois épreuves :  35 kilomètres/1000 D+, 17km/500 D+, 10 kilomètres/300 D+. Nicolas s’inscrit sur le 35 bornes, moi sur le 10 km, et en route petite troupe. Ce matin-là sur l’autoroute de Normandie, nous ne savons pas encore que cette journée va changer notre vie.

Nous partons avec ma petite Corsa fraîchement révisée, sculptures pneumatiques rutilantes et plaquettes de freins flambant neuves. Le départ et l’arrivée se font à l’école communale ce qui me rappelle bien des souvenirs puisque fille d’instituteur, j’ai vécu toute mon enfance et mon adolescence dans des écoles.  Le retrait des dossards a lieu sous le préau, ce sera le dossard numéro 603 pour Nicolas, 50 pour moi.

Le départ sera donné à 9 heures pour le 35 km, 10 heures pour les 10 et 17 km. Il est 8 heures 30 et il fait déjà bien chaud. En attendant, les familles s’animent, les enfants jouent et les coureurs s’étirent.

Traction-poubelle
Colimaçon
Concentration
Sur la ligne
Monsieur le Maire prêt à dégainer
A vos Garmin, prêts ? Partez !

A 9 heures 20 j’envoie mon premier SMS d’encouragement à Nicolas. Il en recevra plus d’une dizaine au cours de ses 36 kilomètres de course, et même si je sais qu’il ne pourra pas tous les lire, le bruit des notifications suffira à lui rappeler que je pense à lui.

C’est bientôt l’heure de mon départ et après un échauffement dans les champs alentours, je me place sur la ligne. Nous apprenons que le 10 kilomètres fera en réalité 12,5 kilomètres. Je préfère être prévenue en amont pour doser mon effort et ménager mes nerfs, je me souviens qu’à la fin de l’Ecotrail j’avais vraiment souffert d’apprendre au bout du 18è kilomètre que nous en aurions 2 de plus.

Trail du Pays de Sully : profil du 10 km

Après une petite côtelette de mise en jambe nous attaquons un premier plat de résistance : une bonne grande montée où je tente l’expérience du « si je marche, j’irai aussi vite que ceux qui courent ». Raté ! Les chamois sautillant vont plus vite que moi. Le soleil tape dur mais dès que nous sommes à l’ombre, il devient plus agréable de courir. On grimpe dans la caillasse et on descend des portions bien raides à la file indienne.

Cailloux = genoux caoutchouc

Je suis ravie d’avoir enfilé ma genouillère, en ce début de course je le sens bien solide et j’attaque les passages techniques avec confiance. Peu avant le cinquième kilomètre, des bénévoles nous font signe de partir vers la gauche, tandis que les coureurs du 17 et du 35 partirons vers la droite. Une belle descente à travers des champs en jachère, et je peux alors tester ma résistance aux orties : ça piquotte, et puis ça passe. De bonne augure pour la randonnée de cet été, sous le cagnard espagnol. Je suis les concurrents devant moi : une côte sous le soleil, puis une descente, puis encore une côte et là j’entends au loin « Stooooop ! Revenez !! » Je vois dans le même temps des coureurs revenir sur leurs pas, devant moi : « C’est pas le bon chemin, on rejoint le 35 ! » Certains sont même assez énervés, pour ma part la situation me paraît cocasse. « Deux côtes pour rien, merci les copains ! »

Il manquait un peu de rue-balise sur le chemin, surtout dans les descentes où l’on fonce comme des fous un peu (trop) tout droit. Un bénévole nous rejoint à vélo et nous indique le « bon » chemin, avec une rue-balise cachée dans les buissons d’orties. Nous courons à nouveau dans les sous-bois, puis nous nous rendons à l’évidence : ce n’est toujours pas le bon chemin ! Ceux qui étaient découragés le sont encore davantage, et moi je suis encore plus pétée de rire. Mais qu’est-ce que c’était que cette rue-balise ? Nous y retournons et comprenons qu’elle était en fait à l’origine en un seul morceau et non en deux, faisant barrage de ce chemin. Encore raté ! Nous revenons sur nos pas et trouvons enfin par nos propres moyens la vraie route, indiquée par une rue-balise de couleur identique à celle du barrage, nouée sur une chaise. Je me dis que pour le chrono, c’est mort, et que je vais en profiter pour lever un peu plus le nez sur la belle forêt qui nous entoure.

LOST - Les disparus de Sully

Je lève sans doute un peu trop le nez car tout à coup, badaboum ! Je me prends une racine, sur un chemin pourtant bien plat, et je m’étale de tout mon long. Il m’est déjà arrivé de chavirer en randonnée ou en trail, mais je parviens presque toujours à me rééquilibrer. Là, j’ai senti le moment où c’était trop tard, quoi que je fasse j’allais me retrouver par terre. Je tombe sur le côté droit et mes côtes prennent un tel choc que j’ai le souffle coupé. Deux sympathiques coureurs des « Tortues d’Arnouville« , qui m’avaient aidé à me relancer à quelques endroits du parcours, sont à mes côtés à ce moment-là, et m’aident à me relever. Heureusement qu’ils étaient là, sinon j’aurais sans doute pleuré ! Pas de gros bobo, je peux respirer sans mal, je peux lever les bras, je n’ai que quelques égratignures sur les jambes, on peut repartir.

Je finirai la course avec l’un d’entre eux, rugbyman de son état, pour qui c’est le premier trail. Avant l’arrivée nous aurons à affronter deux beaux « murs », des côtes tellement coriaces qu’on doit presque poser les mains par terre pour avancer. Je marche en appuyant sur mes cuisses avec mes mains, le souffle tient le choc, tout va bien. Les deux derniers kilomètres sont une descente très agréable, et emportés par notre élan nous coupons un bout de la route entre deux pâtés de maison. A l’arrivée de ces 13,5 kilomètres (dont 1 km de « Lost dans la forêt magique ») en 1h38′, j’ai la grande surprise d’être classée 41è sur 80 coureurs, 15è femme et 5è de ma catégorie (Senior femme) ! La 3è Senior femme n’est qu’à 5 secondes devant moi, et la 1ère à 1 minute ! La prochaine fois, j’essayerai de ne pas tomber et de ne pas me perdre 🙂

Tracé Garmin

Lien vers l’activité Garmin : http://connect.garmin.com/dashboard?cid=6329155

Chaque femme « finisheuse » reçoit une belle rose à l’arrivée. Je vais me rafraichir les pattes et faire sécher mes Columbia Ravenous au soleil, elles ont mangé les pauvres petites !

Columbia Ravenous Stability : bloody muddy !

Sur la pelouse de l’école où je m’étire en comptant les égratignures, je trouve une petite bague en métal argenté avec des perles rocailles bleues. Je demande autour de moi : elle n’est à personne, elle me va, je la mets à mon doigt. Puis je repars pieds nus jusqu’à la voiture pour aller chercher les affaires et les tenir prêtes à l’arrivée de Nicolas. Je l’attends à l’ombre en continuant à lui envoyer de petits messages, en lui donnant quelques indications et en le rassurant : « 66 coureurs arrivés, encore 80 avec toi. Go go go ! » Je sais qu’il souffre de crampes depuis le 22è kilomètre et j’imagine combien cette distance encore jamais parcourue a dû lui sembler longue.

Il arrivera au bout 4 heures 53, exténué mais le sourire dans les yeux, les crampes encore présentes jusqu’aux derniers mètres. Je le rejoins et nous franchissons la ligne ensemble et Nicolas est annoncé sous le nom de « Désiré d’Amour » par le commentateur ^^ … qui ne croit pas si bien dire, puisque c’est à ce moment-là, un peu à l’écart de la ligne, que Nicolas me prend dans ses bras et me demande en mariage ! Je dis « oui » toute émue… Et puis je songe qu’il a peut-être eu un coup de chaud ! ^^ Mais il me demandera encore si je veux l’épouser, une fois au frais, reposé, restauré… Deux fois oui vaut mieux qu’une seule, et la petite bague trouvée dans l’herbe prend une signification toute particulière !

Rendez-vous au printemps 2012 après le marathon de Paris : c’est l’adjoint aux sports et Président de l’association de la course Paris-Versailles qui nous unira 🙂

53 réflexions au sujet de « Trail du pays de Sully : un long dimanche de fiançailles »

      1. C’est bien parti pour, il faudra que j’ai autant de classe que Nico quand je ferais ma demande. J’avais dans l’idée quelque chose de similaire, il va falloir que j’innove :).

  1. Bravo pour ta course, dommage que tu te sois un peu perdu sinon tu aurais fais une encore plus belle perf
    Félicitaions à vous 2!!!!

  2. Magnifique!!! Intrigué par le titre de l’article je suis aller le lire alors que je suis en voiture (c’est pas moi qui conduit!) et Helen se joint a moi pour vous féliciter et vous adresser des vœux de bonheur et de réussite.
    Et merci pour ton CR, ce trail avait l’air très sympa. La question pour Nicolas (mais il y répondra dans son CR sûrement) : a quoi pense t on pendant 4h53 avant de faire une demande en mariage??? 😉

  3. Félicitations pour vos fiancailles. Vous faites un couple de coureurs très heureux. Bravo pour ta course ! Même si vous vous êtes perdus durant la course, tu as su prendre le tout du bon côté.

  4. D’abord bravo pour ce résultat, malgré la chute et la rallonge dans la foret!
    Quelle journée!
    Une bague trouvée, puis une demande en mariage après 35 km de douleur!
    Sully va rester pour vous un moment inoubliable!
    En attendant le printemps 2012 😉 , toutes mes félicitations à tous les 2 !

  5. Il y a toujours quelque chose de particulier dans tes billets, qui les rends si sympa à lire. J’avoue que je ne m’attendais pas à une telle fin de billets 🙂
    Celui la détient la palme du plus émouvant

    Félicitations à vous deux !

  6. nan mais c’est juste dingue cette histoire !!!

    J’ai pas de mots pour dire combien je suis ému… Félicitations à vous deux… sous tous les points de vue.

  7. Que de kilomètres parcourus depuis cette nuit de la Saintélyon 2010…je suis super heureux pour vous deux. Tu as bien fait de vérifier sa demande après qu’il ait retrouvé ses esprits : on dit qu’un cerveau mal oxygéné perd ses capacités cognitives mais là, ça venait du coeur !

  8. Pour être original: félicitation à vous deux !! A force de lire tes billets, je voyais souvent que tu étais bien accompagnée, c’était donc l’arbre qui cachait la forêt! You are spoted ! Tous mes voeux de bonheur !

  9. @Eric : Pour un arbre, c’était un sacré arbre ! ^^
    Quant à la vue, je vais forcément la recouvrer en changeant de nom de famille 🙂
    (Bon, là, il faut connaître mon nom de jeune fille pour comprendre la blague… )

  10. C’est en lissant ton CR, très agréable à lire, que j’ai compris l’histoire d’un coureur qui avait plein d’idée en tête pendant sa course 😉 . Il faut dire que le titre est explicite…
    Toutes mes félicitations à vous deux… 😀
    Alors, une célébration après une course ?

    1. On va faire les deux : une célébration après le marathon (et oui parce que pendant la prépa marathon on ne peut pas boire ni trop faire la fête ^^) et puis une sortie le lendemain de la fête, pour rafraîchir les esprits 🙂

      1. Ne courez pas trop vite, car tous les invités ne seront pas capables de vous suivre, à commencer par le maire et le curé , si curé, il y a. 😉

  11. J’avais en effet un peu de retard dans mes lectures de blog … quelle bonne nouvelle !!!! CONGRATULATIONS 😉
    Le président du Taillefer Trail Teal aura t’il le droit de vous unir une seconde fois mais en Oisans ???

  12. Et bien dit donc quel récit ^^ J’ai pris beaucoup de plaisir à le lire..
    Pour la petite histoire, j’ai lu le compte rendu de Nicolas hier mais à la lecture des commentaires je me dis j’ai loupé un truc !!?! Mais qu’est ce donc ?
    La réponse je la trouve dans ton compte rendu.. Je vous fais toute mes félicitations à vous 2.

    1. Hehe, j’avoue qu’on ne s’est pas concertés pour l’écriture des CR, mais il y a effectivement une partie de l’histoire d’un côté, et l’autre de l’autre !
      Merci à toi 🙂

  13. Ah ! Bah voila ! J’ai la réponse ! Diantre, voila une affaire rondement menée ! 🙂 Félicitations !!!

  14. Merci à tous pour vos commentaires si gentils tant sur le billet de Clara que sur le mien.
    Ce beau dimanche restera gravé à jamais dans mon esprit et mon cœur.

  15. Salut clara je vais surement faire ce trail cette année avec des copains. je suis bien content de tomber sur ton compte rendu en espérant qu’un de mes potes ne me demande pas en mariage à la fin ! 😉

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